L’enseignement en France va mal, très mal.
Ainsi, voici ce que relève entre autres un rapport de l’Inspection générale de l’éducation nationale adressé au ministre de l’Éducation nationale et à la ministre déléguée chargée de la réussite éducative en Novembre 2013 et intitulé : Le traitement de la grande difficulté au cours de la scolarité obligatoire
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Un double constat s’impose. Nombreux, trop nombreux, sont ceux qui sont en grande difficulté avant l’entrée en sixième, c'est-à-dire ceux que l’école n’a pas su conduire, en huit ou neuf ans, aux objectifs minimaux qui lui étaient fixés ; mais encore plus nombreux sont ceux dont l’échec est constaté au terme de la scolarité obligatoire : un élève sur cinq n’a pas acquis les compétences nécessaires « pour affronter les défis de la vie adulte » et près d’un sur dix n’atteint pas le plus faible niveau défini en français et/ou en mathématiques aux évaluations internationales.
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L’élève en grande difficulté, ou celui qui glisse vers cette situation, a besoin d’un temps qui lui soit réservé quotidiennement. L’école doit prévoir ce temps dans le prolongement de la classe. Enfin, quels que soient la nature et le volume des aides périphériques, elles doivent prendre cohérence et s’articuler dans un projet d’accompagnement personnalisé dont seul le maître peut être concepteur et porteur en lien constant avec les parents… »
Face à ce constat, le programme de réforme de l’enseignement au collège préparé par le ministère de l’éducation nationale tente d’y remédier. Et on assiste aussitôt à une levée de boucliers provenant d’horizons divers et hétéroclites où se mêlent prétextes, idéologie, et réactions corporatistes.
Certes, il faut en débattre. Mais il ne faut pas confondre débat, crispation et désinformation, mais plutôt analyser le projet, rien que le projet, mais tout le projet. Voire, avancer des contrepropositions. Or, au lieu de cela, des récriminations, des contrevérités. Et surtout, un refus catégorique et sans concession.
Mais au –delà de tout cela, qui se pose la question qui prime toutes les autres, à savoir :
Il y a incontestablement au sein de nos établissements comme le signale le rapport cité plus haut trop d’élèves en grande difficulté, et non pas parce qu ‘ils n’auraient pas acquis le niveau de compréhension requis ou parce qu’ils auraient une capacité intellectuelle limitée, mais tout simplement parce qu’ils baignent dans un environnement familial ou social totalement étranger à ce qui compose notre patrimoine culturel ou parce que leur propre parcours scolaire les en aurait privés pour une raison ou une autre. Et de fait, ce que leur propose le programme d’enseignement n’a souvent rien de commun avec leur quotidien est donc difficile d’accès immédiat. Les cours sont pour ceux-là une épreuve souvent ennuyeuse, voire douloureuse.
Alors, ces élèves, quand la cloche a sonné la fin des cours de la journée, où pourraient-ils trouver l’aide qui pourrait leur permettre de surmonter leurs difficultés ou leurs lacunes ? De façon générale, une fois leurs cours assurés, les enseignants quittent l’établissement et rentent chez eux pour se consacrer à leurs préparations et leurs corrections. Quant aux élèves en difficultés, ils sont livrés à eux-mêmes, autant dire au vide et à leur désarroi.
Comment y remédier ? Ne pourrait-on pas envisager d’organiser au sein de l’établissement et en dehors des cours une permanence assurée par des enseignants qui seraient à la disposition des élèves qui le souhaiteraient pour leur délivrer conseils et soutien ?
A ce stade de la démarche, on devine déjà l’objection majeure de la part du corps enseignant : ce surcroît de travail devrait s’accompagner d’une augmentation du traitement puisque tout travail mérite rétribution.
Or, que les enseignants en France soient mal payés n’est guère contesté, mais cela relève d’un autre débat.
Mais, franchement. Dans les 18 heures (certifiés) ou 15 heures (agrégés) hebdomadaires réglementaires que doit assurer chaque enseignant, on sait que le plus souvent il délivre chacun de ses cours à au moins deux ou parfois trois classes de niveau parallèle. Cela veut dire que si la préparation d’un cours prend un temps assez long la première fois, ensuite cela se résume à une éventuelle adaptation au niveau des autres classes parallèles, et donc réduit d’autant le temps nécessaire. Dans ces conditions, deux ou trois heures hebdomadaires après les cours destinés à l’accompagnement éventuel des élèves en difficultés, serait-ce trop demander à ceux dont la vocation est justement de garantir à chacun ses chances de construire sa vie de citoyen et de s’épanouir ?
Au demeurant, après ce qui vient d’être évoqué, cela ne représenterait pas véritablement un surcroît d’horaire ceci compensant cela. Et urtout si on considère que l’enseignement bénéficie par ailleurs au total de plus de deux mois de vacances toutes journées d’interruption de cours confondues. Voilà qui vaut bien aussi compensation.
Tel est ce qui devrait mobiliser efficacement tous ceux qui proclament leur volonté de favoriser l’émergence de citoyens accomplis.
Quant à la réforme des programmes, est-il raisonnable de déclencher une aussi virulente « bataille d’Hernani » avant même que les choses aient été fixées ?
On a l’impression d’assister au moins pour l’Histoire à ce qui a prévalu naguère lors de l’Affaire Dreyfus, pas moins.
Il y a aujourd’hui ceux qui considèrent que le rôle de l’Histoire est principalement de délivrer aux citoyens un « roman national », une sorte de construction patriotique par la représentation de héros et d’épopées dont on serait fier et grâce auxquels on resterait attaché sans conditions à sa patrie.
Et puis, face à cet attachement viscéral et sans condition à la Patrie, il y a ceux pour qui l’Histoire a pour fonction essentielle, par dessus l’acquis d’une mémoire collective, de doter les citoyens d’un esprit critique par l’examen des évènements passés au crible de la raison, de tirer des évènements passés, ombres comme lumières, des leçons pour l’avenir en s’appuyant sur les acquis nouveaux des sciences humaines. Il ne suffit pas d’ânonner après chaque catastrophe « Plus jamais ça » pour s’estimer quitte de toute action.
Dans cette bataille, on trouve le pire comme le meilleur. Et au chapitre du pire, on ne peut résister au souci de dénoncer le jeu médiocre d’un ancien président de la République singeant les humoristes dans un style vulgaire pour couvrir les ministres en poste d’insultes à peine voilées avec des mimiques crispées et des gesticulations de pantin désarticulé. Cela est indigne est ne peut que déconsidérer la politique et la démocratie. Et dire qu’il disait vouloir « faire président ».