Que de tergiversations à propos du principe de laïcité appliqué à l’Ecole. On assiste à des interprétations multiples et discordantes qui sèment la confusion. Et les pouvoirs publics n’échappent pas à l’imbroglio. Or, ces confusions profitent essentiellement à tous les intégristes qui cherchent à imposer leur conception particulière de la règle républicaine. Il est bon pourtant de rappeler que :
« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale »
Termes de la controverse : pour mémoire :
D’un côté:
Le Conseil d’Etat dont le premier rôle est de conseiller le gouvernement confirme dans son étude du 19 décembre 2013 que les parents accompagnateurs de sorties scolaires ne sont pas soumis au principe de neutralité, ce qui impliquerait qu’ils peuvent y participer tout en portant le voile.
De même, La HALDE (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité,) relève que d'une part, les parents accompagnateurs sont expressément exclus du champ d'application de la loi du 17 mars 2004 relative au port de signes religieux à l’école, et que d'autre part, les parents d'élèves sont des usagers du service public et non des agents publics, et qu'ils ne sont donc pas soumis au principe de laïcité et de neutralité des services publics.
De l’autre côté:
Christian Estrosi lorsqu'il était ministre délégué à l'Aménagement du territoire en 20061 déclarait au Sénat: « Les règles susceptibles de s'appliquer à la situation des mères d'enfants scolarisés relèvent de la compétence du ministre de l'Éducation nationale. Le parent encadrant une activité périscolaire est assimilé à un collaborateur occasionnel du service public, ce qui l'oblige au respect du principe de neutralité. La circulaire du 18 mai 2004 mentionne expressément que « les agents contribuant au service public de l'éducation, quels que soient leur fonction et leur statut, sont soumis à un devoir strict de neutralité qui leur interdit le port de tout signe d'appartenance religieuse ».
De même :
Extrait du rapport du groupe de travail présidé par André Rossinot sur « La laïcité dans les services publics » de septembre 2006 page 34 : « Elle [l'obligation de neutralité] concernerait également les collaborateurs du service public, y compris bénévoles, intervenant en milieu hospitalier, en milieu scolaire, dans le secteur social ou encore sportif « .
Ou encore :
Extrait d'une tribune du 10 décembre 2007 publiée par Libération :« Qu’ils soient ou non rémunérés ne change rien. Cautionner la présence d’accompagnateurs se discriminant eux-mêmes par le port de signes distinctifs indiquant un choix politique et (ou) religieux, c’est oublier la valeur d’exemplarité de l’adulte aux yeux de l’élève. » La publication de cette tribune contre la recommandation de la HALDE a été signée par de très nombreuses associations de protection des droits de l'homme : la LICRA, Ni putes ni soumises, SOS Racisme, Syndicat national du personnel de direction (SNPDEN-Unsa éducation), Union des Familles Laïques (UFAL)
Et encore :
En mars 2010, le Haut Conseil à l’intégration remet au Premier ministre des recommandations relatives à l’expression religieuse dans les espaces publics de la République. Dans sa recommandation no 4, le HCI recommande « l’adoption de mesures législatives afin de faire respecter le principe de laïcité à tous les collaborateurs occasionnels du service public » et notamment aux « accompagnateurs scolaires des écoles, collèges et lycées publics ».
On multiplierait à l’infini des prises de position aussi fermes confirmant la clarté du principe de laïcité au sein de l’Ecole. Ainsi :
Le ministre de l'Éducation nationale Luc Chatel dans une lettre datée du mercredi 2 mars 2011, exprime son accord avec la directrice d'un établissement scolaire de Seine-Saint Denis qui refuse la participation d'une mère d'élève portant le voile islamique durant les sorties scolaires. Il considère que dans ce type de situation, les parents d'élèves se placent dans une « situation comparable à celle des agents publics », et qu'ils doivent donc accepter « de se soumettre aux principes fondamentaux de ce service public », qui impliquent « la neutralité ». Luc Chatel ajoute qu'« il ne faut pas transiger avec la laïcité ».
Le tribunal administratif de Montreuil (93) a estimé mardi 22 novembre 2011 que le règlement intérieur d'une école peut légalement exiger « des parents volontaires pour accompagner les sorties scolaires qu'ils respectent dans leur tenue et propos la neutralité de l'école laïque. »
Dans une étude adoptée par l'assemblée générale du Conseil d’État le 19 décembre 2013, et en contradiction avec son précédent avis au gouvernement ( voir plus haut) ce dernier indique: « Dans un même ordre d'idées, les exigences liées au bon fonctionnement du service public de l'éducation peuvent conduire l'autorité compétente, s'agissant des parents d'élèves qui participent à des déplacements ou des activités scolaires, à recommander de s'abstenir de manifester leur appartenance ou leurs croyances religieuses »25.
Et le Conseil d’Etat précise dans sa profonde sagesse « rétribués ou bénévoles ».
Le ministre de l’Éducation nationale, Vincent Peillon, indique le jour même dans un communiqué : « la circulaire [Chatel] du 27 mars 2012 reste valable ».
Il semble que l’ambiguité provient de ce que le statut des parents participant aux sorties scolaires est mal défini. Comme disait quelqu’un, « Quand il y a du flou, il y a un loup ».
Or, ce qui paraït indéniablement clair, c’est que leur participation répond à une situation bien précise : l’Ecole fait appel à des parents pour suppléer un déficit d’accompagnateurs internes. Dans ce cadre ils sont donc des remplaçants d’enseignants, intervenant dans le cadre de l’emploi du temps. Ils participent donc pleinement à une mission du service public. Sinon, s’ils n’étaient que des usagers comme le prétend la HALDE, ils ne seraient présents que pour leur propre plaisir et non pas pour aider à la sécurité des élèves ? Mais alors, est-ce le rôle de l’Ecole de fournir du loisir à des adultes, et de surcroît, associés à des élèves, dans le cadre d’un emploi du temps scolaire ?
Alors, pouquoi tout ce tohu-bohu, sinon pour semer la confusion et pour d’aucuns faire triompher l’emprise du religieux dans la vie sociale ?