Dans son aventure new-yorkaise, innocent ou coupable, DSK aura bénéficié d'au moins deux atouts: D'une part pour la justice américaine, une condamnation au pénal requiert l'unanimité des jurés, ce dont en l’occurrence le procureur n'est pas certain. Un seul dissident suffirait à la faire échouer. Cela ne prouverait nullement l'innocence de DSK mais fragiliserait la position du procureur Cyrus Vance candidat à sa réelection. D'autre part, aux Etats-Unis, le mensonge est perçu comme un péché capital. Voir les cas Nixon jadis et Clinton naguère. Or, pour obtenir son entrée aux E-U, la plaignante a menti. Elle a également varié dans ses déclarations à la police au cours de sa comparution après l’incident. Cela ne prouve pas qu'elle n'ait pas été violée, cela pourrait même éventuellement prouver l’état de choc dans lequel l’aurait placée un éventuel viol.. Mais aux yeux des américains, cela entache ses déclarations et pourrait déclencher un doute parmi les jurés. Echaudé par des échecs dans des procès antérieurs, le procureur ne veut certainement pas courir ce risque et pourrait donc abandonner les poursuites. La justice américaine cherche plus l'efficacité que la vérité. Mais cela étant, DSK ne pourra jamais se prétendre catégoriquement innocenté. Au mieux, il aura échappé à un procès au bénéfice du doute.
Et justement, cela vient de se produire tandis que ces lignes sont tracées. En effet, d’après le rapport du procureur signé de ses deux adjoints, Joan Illuzi-Orbon et John McConnell " Les preuves physiques, scientifiques et d'autre nature montrent que l'accusé a eu un rapport sexuel précipité avec la plaignante, mais n'établissent pas de manière indépendante son affirmation d'un rapport sous la contrainte et non consenti "...
Par ailleurs, il existe des rapports médicaux qui constatent des traces de violence laissant à penser qu’il pourrait y avoir eu rapport violent. Et le rapport du procureur d’ajouter aussi : " Ce qui s'est produit entre l'accusé et la plaignante, quelle que soit sa nature, a été terminé en sept à neuf minutes ". Une brièveté qui leur a donné à penser au début que " l'acte sexuel n'était probablement pas le produit d'un rapport consenti ". Mais tout cela ne constitue pas dans l’esprit du procureur une certitude qui pourrait entrainer la conviction des jurés. En tout état de cause, il décide de proposer au juge l’abandon de toutes les charges.
Que s’est-il donc réellement passé dans la chambre 2806 du Sofitel de New-York? Le saura-t-on jamais ? Dans cette affaire, DSK lui-même n’a pas toujours été très clair. Il a d’abord affirmé ne pas connaître la plaignante, puis a fini par avouer une relation sexuelle consentie. D’autre part, il a quitté l'hôtel le 14 mai 2011 à 12 h 28. Mais ce n'est que le 6 juin, lors de la mise en examen, qu'il a indiqué où il s'était rendu avant de partir pour l'aéroport. Il a refusé de témoigner devant le grand jury, et sa version des faits n'a jamais été détaillée. Depuis, il s’est muré dans un épais silence.
C'est donc pour DSK une victoire à la Pyrrhus. Y gagne-t-il vraiment? Quant à son image, elle en sort plutôt gravement écornée, malgré l'orgie de fric qu'il y a déployé. Que de témoignages et de langues déliées juste après l’annonce de son arrestation, qui tracent de l’intéressé un portrait bien peu glorieux.
Ses proches évoquent déjà son possible retour sur la scène politique pour apporter sa contribution au débat pré-électoral. D’autres proclament déjà triomphalement son innocence, faisant l’impasse sur tout ce que notent le rapport du procureur ou les constats médicaux. Bien pesé, il semble que le meilleur service qu'il pourrait rendre à la société serait de se faire oublier. Les moyens dont il dispose lui permettent largement de mener une vie de nabab sous d'autres cieux.
Quant à la campagne pour les primaires socialistes, puis pour l’élection présidentielle de 2012, les candidats en lice, François Hollande en tête ont bien du talent pour faire valoir leurs propositions sans parasitage juridico-feuilletonesque.